L’histoire de l’Hôtel Teisseire à Grenoble (dit aussi ‘’Maison des Avocats’’, aujourd’hui au 3 bis passage de la République) est liée à celle de son quartier situé entre le 15 rue JJ Rousseau et le 3 rue de la République.
Jean Rabot (premier président du Parlement du Dauphiné créé par Louis XI en 1453) fait construire la “Maison Rabot” contre le rempart romain au 15 rue JJ Rousseau à partir du 1/6/1471, puis il achète le 4/2/1483 le terrain à l’extérieur du rempart dont il fera un grand jardin, la future “Grande Cours Teisseire”. Il obtient le 23/8/1494 l’autorisation du roi Charles VIII de percer le rempart romain afin d’accéder à son jardin, c’est le porche du futur “Passage Teisseire”. Au 16e siècle, la famille Rabot a peut-être également percé les ouvertures vers son jardin sous la forme de deux portes qu’on voit encore dans la cage d’escalier du 15 JJR.
Mathieu Teisseire s’installe dans le jardin Rabot son usine de ratafia de cerises créée dès 1720.
Mathieu 2 Teisseire (1724-1781, fils de Mathieu 1) fait fortune et achète le 15 JJR et ses jardins le 21/1/1776. Selon Stendhal (‘’Vie de Henry Brulard’’, chap. 8, écrit en 1835) il possédait tout le quartier entre le 15 JJR et la place Grenette ( = future librairie Arthaud).
Camille-Hyacinthe Teisseire (1764-1842, petit-fils de Mathieu 1) deviendra un personnage important de la ville de Grenoble. Il assainira des marais créant ce qu’on appelle aujourd’hui le “Quartier Teisseire”. C’est lui qui vend la “maison sous laquelle se trouve le passage” à François Perret le23/4/1795 (Me François Antoine Rey, cf Acte Nallet 1945, il s’agit sans doute du 7 place Grenette servant aujourd’hui d’entrée au magasin Héma). C’est lui qui fait ouvrir la Grande Cours Teisseire sur la rue de la Halle, créant ainsi le Passage Teisseire entre l’actuelle rue JJR et l’actuelle rue de la République où il fait construire l’immeuble de trois étages (futur Hôtel Dauphinois) peu avant 1800. Sur les cadastres de 1819 et 1820, c’est lui, “Teyssère, Sous-Préfet”, qui est propriétaire de la parcelle I 535 (futur PAX) et d’une partie de la parcelle I 536 (grande parcelle incluant le13, le 15 JJR et la Maison des Avocats) (1G1, p 187 & 1G2, p 96). Ces parcelles sont désignée “maison” et Stendhal cite la ‘’Maison Teisseire’’ dans la ‘’Vie de Henry Brulard’’ (chap. 3, écrit en 1835). Il vend ou transmet la parcelle I 536 en 1841, probablement à Emmanuel Teisseire (1G11-folio 1120).
Entre les cadastres de 1810 et 1864, le découpage et les numéros sont changés et la grande parcelle I 536 de 1810 est découpée pour créer entre autres la parcelle B 874 de 1864 qui correspond à la future BT 90 du cadastre actuel sur laquelle est placée la Maison des Avocats. Il y a aussi la B 879 qui recouvre le bâtiment parallèle au 13-15 JJR, côté cour du Grand Hôtel datant, lui, de 1870.
Sur le cadastre de 1864, c’est Emmanuel Teisseire qui est propriétaire de la parcelle B 874 qui y est désignée “maison” et “cour”, mais on ne sait rien de cette “maison”. Elle sort du registre bâti & non-bâti (1G25, folio 2636) pour passer au registre bâti (1G34-case 3176-B) en 1882.
Emmanuel Teisseire est le dernier de la famille Teisseire au 3bis, il décède le 11/2/1871 et sa veuve Eugénie Bonnard prend la suite.
Les consorts Teisseire héritent de la veuve Teisseire après son décès le 24/5/1898.
Eugène Celestin Debon achète l’Hôtel Teisseire dans une vente aux enchères le 29/11/1911, puis la cour (332 m2) en 1913 (1G25-folio 2567) et tout le reste entre 1882 et 1913 (1G25, folio 2636).
Les consorts Debon héritent du 3bis de leurs parents Eugénie Baret (le 13/5/1919) et Eugène Celestin Debon (le 8/4/1922) (Me Clément Cuzin).
Jules Etienne Blanchon achète le 3 bis aux consorts Debon (Eugène-Victor+Alfred+Eugénie) le 13/9/1928 (Me Cousin et Me Idelon-Riton, Arch. Dept. Cote 4Q2/4168, acte N°50).
Jeanne Duret hérite du 3 bis de son mari Jules Etienne Blanchon le 22/8/1939.
Benjamin Arthaud (père) achète le 3 bis à Jeanne Duret le 9/6/1945 (Me Albert Nallet).
Claude & Jacques (fille & fils Arthaud) achètent le lot 21 du 15 JJR de Wilf Feldmann le 27/1/1950.
L’Ordre des avocats achète le 3 bis le 28/10/1981 (permis de construire 1981 pour modifier l’entrée et la terrasse sur le toit), et le lot 21 du 15 JJR le 25/2/1982.
Republik Invest achète la Maison des Avocats avec le lot 21 du 15 JJR le 27/12/2006 et découpe l’immeuble en une dizaine de logements (permis de construire 18/11/2005, modifié 6/2/2006 et 3/4/2006).
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Vu l’historique ci-dessus concernant les Teisseire qui font fortune au début du 19e siècle avec le ratafia de cerises, et qui fournissent un sous-préfet à cette époque, il est possible que ce dernier ait construit “l’Hôtel Teisseire” entre 1820 et 1840, au moins en partie. En tout cas, la maison apparait nettement en 1864 sur la parcelle B 874 qui deviendra la BT 90 actuelle.
L’Hôtel Teisseire a été construit contre le 15 JJR comme le prouvent les portes condamnées dans la cage d’escalier du 15 JJR. Ces portes donnaient sur donc la cage d’escalier de la future Maison des Avocats (rappelons que le tout appartenait à la famille Teisseire, entre 1776 et au moins 1841).
La Grande Cours Teisseire était donc située entre le porche du 15 JJR (ex rue Bournolenc, puis rue des Vieux Jésuites > 1881) et la rue de la République (ex rue de la Halle > 1908 lorsque ladite halle aux grains est démolie). Dans cette cour, un cinéma “Familia” verra le jour en 1913, il s’appellera ensuite le “Paris” (1952), puis le “Pathé Grenette” avant d’être remplacé par un magasin dans les années 2000. Les Chocolats Poulain ont aussi occupé une place dans la cour Teisseire dans les années 1920.
Sur le cadastre de 1864, c’est Emmanuel Teisseire qui est également propriétaire de la parcelle B 874bis (futur PAX) sur laquelle l’Hôtel Dauphinois est installé jusqu’en 1884, puis on y trouve le Grand Café Debon, puis la Taverne de la Meuse en 1908 et jusqu’à la démolition de l’immeuble en 1941 pour faire place au futur PAX. L’immeuble PAX est construit dans la Grande Cours Teisseire en 1941-42 sur plusieurs parcelles, dont la B 874bis, et un “Passage Teisseire” sera conservé sous l’immeuble. La Brasserie l’Olympie s’installe au RdC du PAX en 1942. Le PAX a été construit contre la Maison des Avocats. En effet, l’imbrication du 1er et du 2e étage de la Maison des Avocats dans le PAX, laisse supposer que des fenêtres se trouvaient sans doute à l’endroit où le PAX allait se coller à la Maison des Avocats. Le PAX a donc dû fournir un espace pour reconstruire les fenêtres des lots 16 et 17 de la Maison des Avocats.


Références
Archives notariales : https://archives.isere.fr/liste-notaires pour voir si les Archives Dépt Isère ont qlq chose (vieux de plus de 75 ans).
Sinon, récupérer le N° volume et le N° acte du Service de la Publicité Foncière/Conservation des Hypothèques (toujours indiqués dans les actes de vente) et le rechercher aux Archives Départementales (très bien organisées, sur le campus).
Sinon, voir chez le notaire en direct.
Archives cadastrales (napoléoniennes ou rénovées) : https://archives.grenoblealpesmetropole.fr/n/rechercher-dans-le-cadastre-grenoblois/n:162#p273 pour voir qui était propriétaire d’une parcelle, avec « renvoi pour les mutations » en cas de vente :
Dans « l’état de section » trouver le N° de parcelle >> nom du propriétaire.
Dans « la matrice » trouver le propriétaire avec toutes ses parcelles et suivre les « renvois pour les mutations » en passant d’un folio au suivant pour suivre les ventes successives de la parcelle.
Bon courage !
Bibliographie :
Dauphiné Libéré, 2003-04, Immeubles remarquables de Grenoble. Articles du Dauphiné Libéré.
Dreyfus, P. 1993, Les rues de Grenoble (p 217). Ed. Glénat.
La Jeune Chambre Economique, 1975-76, Les mille et une rues de Grenoble. Affiches de Grenoble et du Dauphiné.
Luzy, C. 2021-23, Les agrandissements et embellissements de Grenoble 1540-1940.
Muller, C. 1975, Grenoble, des rues et des hommes. Ed. Dardelet.
Stendhal, 1835, Vie de Henry Brulard, (https://fr.wikipedia.org/wiki/Vie_de_Henry_Brulard ).
Thévenon, P. 1951, Invitation au voyage à Grenoble, hors Porte-Traine, du IIIe siècle à la Révolution. Notice historique. Ed. de l’Olympie.